Stationnement, mobilité et espace urbain 1 vol
Par: BEAUCIRE, Francis [Dir de la pub ].
Contributor(s): PLANTIER, Maurice [Président d' honneur ].
Type Document : Revue / Périodique Collection: Mobilités, Réseaux, territoires.Editeur: Paris Groupement pour l'Étude des Transports Urbains Modernes (GÉTUM) 2019Description Matérielle: 36 p Couv.ill.en coul.,photogr. 30 cm.ISSN: 03976521. In: Transports UrbainsRésumé: Éditorial de la rédaction Nouvelles mobilités : et si on réfléchissait avant de s’emballer ? Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), page 1 Pas une semaine sans qu’on nous annonce un colloque, un séminaire ou une conférence portant sur l’avenir, forcément radieux, des « nouvelles mobilités ». Le concept est pourtant bien flou, au moins autant que les arguments avancés.......1 La terminologie est loin d’être fixée. Certains parlent d’« engins de déplacement personnels » (EDP) regroupant les trottinettes, rollers, monoroues, gyropodes et autres hoverboards. D’autres insistent sur les véhicules légers électriques unipersonnels (VLEU) qui se limitent aux EDP électriques. Avec les « nouveaux véhicules électriques individuels » (NVEI), d’autres encore ajoutent aux VLEU les vélos à assistance électrique (VAE) et les vélos électriques (speed pedelec, en fait des cyclomoteurs, limités à 45 km/h). En outre, tous ces véhicules seraient de préférence en libre-service et sans station. Dans les boutiques, des centaines de marques commerciales se bousculent et les enquêtes de marché prédisent invariablement des ventes exponentielles. Mais s’agit-il d’un effet de mode ou d’un phénomène durable ?.......................................2 Le monde des transports a toujours connu des périodes d’engouement pour des innovations censées révolutionner la mobilité. Les années 1960-1970 ont vu ainsi toutes sortes de solutions apparaître, soutenues par des financements de l’État, et qui ont presque toutes échoué : Aramis, Aérotrain, Poma 2000, Télérail, Urba… C’est que pour parvenir à un succès durable, tout nouveau mode de transport est soumis à de dures réalités. Il doit être à la fois d’une grande fiabilité, très sûr, suffisamment pratique et confortable, respectueux de l’environne ment, économiquement viable et correspondre à une vraie demande. Une équation redoutable, très compliquée à résoudre.............................3 Prenons la trottinette électrique en libre-service et sans station, actuellement en vogue. Sur le plan technique, elle souffre, à l’évidence, de quelques défauts majeurs : malgré des vitesses de pointe de plus de 30 km/h, ses petites roues peuvent se coincer dans le moindre nid-de-poule, son freinage est peu efficace, l’empattement est bien faible et l’éclairage rudimentaire, ce qui la rend peu sûre. En conséquence, les accidents se multiplient et les urgences sont envahies par des usagers ayant le plus souvent chuté tout seuls. En outre, le confort est rudimentaire : position debout et manque de suspensions. La bicyclette de ville classique, éprouvée de longue date, n’a aucun de ces défauts.....................4 Sur le plan économique, ce n’est pas mieux. Le partage est une idée certes généreuse, mais qui induit trois types de coûts cachés : les « coûts du partage ». 1/ Les véhicules occupent un espace public qu’il faut créer, entretenir, nettoyer, éclairer et qui n’est donc pas gratuit. 2/ Ils doivent être surveillés, car tout objet laissé sur la voie publique est inévitablement soumis à des dégradations, liées au mésusage ou à la délinquance, ce qui a aussi un coût. 3/ Les véhicules entrainent des désordres sur les trottoirs, en provoquant une gêne et des risques pour les piétons, surtout les plus fragiles, mais aussi pour tous ceux qui interviennent sur ces espaces : gestionnaires de réseaux, services de secours…, avec des coûts d’enlèvement au besoin...................................................5 Résultat : les autorités municipales de Paris, Bordeaux, Toulouse, Bruxelles… en viennent à exiger légitimement des opérateurs une redevance d’occupation de l’espace public, le paiement de l’enlèvement des véhicules gênants et des emplacements particuliers pour les véhicules. Bref, le modèle économique de ces opérateurs est encore loin d’être assuré..........................................6 Les trottinettes électriques sont-elles condamnées pour autant ? Elles devraient trouver un créneau dans les grandes villes congestionnées, mais plutôt comme des véhicules personnels, utilisés surtout par un public agile, et en intermodalité avec les transports publics lourds.....................................................7 Quoi qu’il en soit, pour faire le tri dans toutes ces nouvelles mobilités, quelques efforts d’analyse s’imposent. Est-il encore nécessaire de rappeler la dimension éminemment stratégique du stationnement dans les politiques de déplacements ? En agissant directement sur l’accessibilité à un lieu, le stationnement est indéniablement un moment clé du déplacement des véhicules particuliers et une condition sine qua non de leur performance, qui leur permet de tenir les promesses dont ils sont porteurs en termes de mobilité. Ce faisant, réguler le stationnement peut être aussi un excellent moyen de limiter l’usage de la voiture particulière et de redonner leur chance aux autres modes de déplacement. Chose rare, cette politique de régulation de l’usage de l’automobile peut être menée en distinguant le type d’utilisation de la voiture que l’on souhaite plus spécifiquement inciter ou dissuader. En effet, les mesures prises en matière de stationnement permettent de cibler certaines catégories de véhicules ou d’usagers et donc de manier la contrainte avec doigté, ce qui est souvent plus compliqué en matière de circulation...............................................8 Introduction : le stationnement, levier des politiques de mobilité et outil de reconquête des espaces publics François de Fleurian, Frédéric Héran Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 3 à 4 En 1996, Transports Urbains s’était fait l’écho d’une recherche mettant en évidence le lien entre disponibilité d’une place de stationnement gratuite au lieu de travail et usage de la voiture ..............1 Vincent Kaufmann et Jean-Marie Guidez, « Report modal de…. Depuis lors, notre revue, comme d’ailleurs les milieux professionnels français, ne s’était guère penchée sur les stratégies à mettre en œuvre. Or, depuis longtemps déjà aux États-Unis (voir dans ce numéro la critique du livre de Todd Litman présentant les politiques de stationnement et leurs effets sur l’offre de places et la motorisation) et dans certaines villes européennes, des politiques globales de mobilité limitent le stationnement pour favoriser les modes alternatifs à l’automobile et reconquérir les espaces publics.............................2 Les cas de Zürich (voir l’article d’Erich Willi) et de Bâle (détaillé dans l’article d’Alain Groff) en sont d’excellents exemples. Dans ces agglomérations au relief marqué, denses en habitants et en emplois, l’offre de transport public est certes plus importante qu’en France, mais elle s’accompagne d’une politique de modération de la circulation, de relance des modes actifs et d’extension des espaces publics, favorisée par une grande maîtrise du stationnement. Appuyée sur une bonne connaissance de l’offre de stationnement, public comme privé, et de son fonctionnement, cette stratégie est exprimée publiquement et soumise régulièrement à l’épreuve des votations. Ainsi, pour Zürich, le principe négocié est d’économiser l’espace pour pouvoir l’utiliser à d’autres fins que du stationnement ; pas seulement sur les quelques places historiques de la ville, mais également dans les rues elles-mêmes..........................3. Éléments de comparaison des politiques de stationnement à Bâle, à Zürich et en France* Bâle Zürich France Densité urbaine nette des agglomérations en habitants/km2 (Géopolis 2000) 3219 2612 2957 (Grenoble) 2260 (Nantes) Part modale des TCU 29 % (canton) 28 % (canton) Inférieure à 17 % (PTU*, en province) Offre TCU en km/an/hab. 65 (canton) 57,2 (dont S-Bahn 15,6) (canton) 36,2 (PTU* des villes de plus de 300 000 hab, en 2015) Nombre de places publiques de stationnement par habitant + emploi, en hypercentre 0,04 0,06 De 0,18 à Bordeaux à 0,38 à Brest (en 2012) Taux de motorisation pour 1000 habitants (Eurostat 2011) 356 365 De 450 à 550 (villes importantes) * Périmètre de transport urbain, appellation encore en vigueur l’année du relevé En France aussi, il n’est plus possible de monter des politiques de stationnement ambitieuses sans les expliquer, pour éviter des rejets sur ce sujet ultrasensible (comme l’explique Corinne Béné). Même conclusion à tirer de la mise en place du stationnement payant dans un quartier de Lille (voir l’article de Jacques Richir)..........................4 Plus largement, les politiques de stationnement françaises sont aujourd’hui à la croisée des chemins (voir l’article d’Emmanuel Perrin). La distinction classique, héritée des années 1970, entre publics résidents, visiteurs et pendulaires commence à être réexaminée. Grâce aux nouvelles technologies, des places de stationnement gratuites ou faiblement tarifées peuvent être plus facilement proposées à certains publics (les handicapés, les artisans, les professionnels de santé, les petits rouleurs…). Les tarifs des résidents comme des visiteurs sont revus à la hausse dans les plus grandes villes, quand l’accès à des modes alternatifs existe, pour inciter carrément à la démotorisation. Des efforts sont accomplis pour que les tarifs sur la voie publique deviennent supérieurs à ceux des parkings en ouvrage. Mais le stationnement reste trop peu traité à l’échelle de l’agglomération, non sans effets pervers : incohérence des tarifs, report des véhicules dans les communes ou les zones gratuites et sans zone bleue…........................................5 À l’évidence, l’approche consistant à déterminer des normes plancher ou plafond pour les places de stationnement dans les immeubles neufs, selon divers critères (la proximité des transports publics, le type de véhicule, la nature des sols…) a atteint ses limites. Car des normes trop faibles ou trop exigeantes peuvent avoir des effets délétères sur la qualité de l’espace public, le cadre de vie, l’attractivité économique ou les coûts de construction. Sans doute faut-il désormais développer une approche adaptée à chaque projet et plus évolutive, en développant une conception systémique d’intégration du stationnement dans la planification urbaine (voir l’article d’Olivier Asselin et Ellie Deloffre)........................6 La mutualisation du stationnement, au niveau d’une opération d’urbanisme (voir l’article de Jean-Pierre Grisey) ou d’un quartier (à Zürich) en est un bon exemple. C’est un moyen efficace de limiter l’offre de stationnement au strict nécessaire, même si le montage juridique reste délicat et l’équilibre de gestion difficile. Des équipements publics fortement générateurs de déplacements comme les hôpitaux, les universités (l’université Erasmus à Rotterdam) ou les grandes administrations se penchent désormais sur les coûts induits par la mise à disposition de places de stationnement pour les salariés et les visiteurs, et cherchent des solutions moins dispendieuses.................................................7 Restent encore de nombreux aspects non abordés dans ce numéro. Et notamment le rôle clé joué par la tarification. Il ne s’agit pas seulement de réguler la demande, mais également de rappeler à l’automobiliste que l’espace public n’est pas gratuit et qu’il ne peut se l’approprier au détriment des autres usages et usagers de cet espace ..............................................................8 Frédéric Héran, « Pourquoi tarifer le stationnement ? »,…. De plus, quand les alternatives à l’autosolisme se développent, il n’est plus admissible d’offrir la gratuité du stationnement aux automobilistes, car c’est un avantage en nature supporté par la collectivité, y compris par ceux qui font l’effort de se déplacer à pied ou à vélo sans recevoir aucune subvention. Enfin, il est encore trop tôt pour mesurer les impacts de la réforme de la dépénalisation et décentralisation du stationnement. Mais on sait déjà qu’elle assure un bien meilleur respect de la réglementation. En conséquence, les places sur voirie sont plus disponibles, la circulation liée à la recherche d’une place diminue, les voitures ventouses disparaissent. Les recettes en sont plutôt accrues, même si le FPS reste partout inférieur à l’amende pour défaut de titre de transport dans les transports publics. Encore faudrait-il que ces recettes n’abondent plus le budget général, mais soient pleinement considérées comme des ressources pour la politique de mobilité. Ce serait aussi un moyen de rendre le stationnement payant plus acceptable par la population........................................9 Comme on le voit, les politiques de déplacement et de stationnement ne sont pas indépendantes. Elles doivent être articulées de façon cohérente et discutées publiquement, en concertation avec les habitants et les milieux économiques. C’est dans ces conditions que l’envahissement automobile des espaces publics peut être maîtrisé tout comme les modes alternatifs encouragés, au service d’une ville plus durable...............................10 Transports urbains aura l’occasion de revenir régulièrement sur la question du stationnement, en mobilisant les résultats de la recherche et des politiques les plus démonstratives. Car le sujet est certes aride, mais les enjeux sont plus que jamais cruciaux......................................11 Pour réguler le stationnement, les leviers à disposition des collectivités semblent bien connus et n’ont, dans le fond, guère changé depuis que le stationnement payant a fait irruption dans les villes françaises à la fin des années 1960. Néanmoins, force est de constater que l’utilisation des outils disponibles en matière de stationnement se révèle encore rarement optimale. Pour permettre aux politiques de stationnement de gagner en efficacité et remédier à leurs insuffisances persistantes, trois gisements d’amélioration peuvent être identifiés : le perfectionnement des outils existants, en particulier pour la gestion du stationnement sur voirie ; une nécessaire recherche de cohérence entre les différents volets de la politique de stationnement ; des progrès en matière de suivi de cette politique et de connaissance de ces effets. Historiquement, outre les réglementations interdisant ou autorisant le stationnement des différents modes de transport qui ont animé les villes depuis toujours, la régulation du stationnement automobile s’est d’abord opérée à travers la mise en place de mesures de limitation de la durée de stationnement autorisée sur voirie. Le développement de la zone bleue, à partir des années 1950 en France, est venu traduire cette nécessité de mieux partager l’usage des places offertes sur l’espace public en imposant une limitation de la durée de stationnement. Cette introduction dans la réglementation du principe de rotation est aussi un moyen de prioriser certains usagers, en l’occurrence les visiteurs qui viennent pour un achat, un loisir, une visite ou une démarche quelconque sur une courte durée… Le stationnement à Bâle À Bâle, aucune réglementation n’impose la construction d’un parking sur terrain privé, tandis que le stationnement sur voie publique est partout réglementé. La grande majorité des places se trouve en zone bleue, où les véhicules résidents munis d’un permis stationnent sans limite. Le gouvernement a décidé une hausse des prix importante début 2019. Une bonne partie des recettes alimente le Pendlerfonds, soit littéralement le « fonds pendulaire », un instrument de cofinancement très particulier. En fin de compte, une ville dense ne peut que soutenir les alternatives à la voiture privée, moins encombrantes et plus efficaces. La politique du stationnement à Zurich Page 32 à 33 La carte de… Le stationnement dans le centre-ville de Saint-Étienne François de Fleurian Erich Willi Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 15 à 20 Avec ses 425 000 habitants et ses 460 000 emplois, Zurich est le centre d’une agglomération d’environ 1,5 million d’habitants. La ville devrait accueillir 80 000 habitants supplémentaires d’ici 2040, ainsi que de nombreux emplois. Cette croissance s’est accompagnée d’une forte augmentation du trafic : les personnes se rendant chaque jour au centre sont passées de 100 000 dans les années 1970, à 230 000 aujourd’hui. En raison de la forte augmentation du déséquilibre entre la population résidente et la population active, chaque emploi déclenchait 0,3 mouvement pendulaire dans les années 1970, contre 0,6 aujourd’hui. Bien que l’essentiel de l’augmentation des déplacements ait été rendu possible par les transports publics, environ un tiers de la population résidante vit dans des rues excessivement bruyantes. Outre le réseau routier primaire, de nombreuses voies municipales sont également soumises à des niveaux dépassant les valeurs limites fixées par l’ordonnance fédérale sur la réduction du bruit. La réduction du bruit routier s’obtient de plus en plus par des limitations de vitesse. Mais malgré les atténuations obtenues, le bruit excessif concerne désormais une population qui s’accroît et dépasse 130 000 personnes, du fait de l’augmentation des densités. La réduction des nuisances sonores routières est devenue une préoccupation constante. En raison de la densité du réseau viaire et à cause de l’importance des émissions du trafic routier motorisé, la ville de Zurich s’appuie depuis des décennies sur des transports publics performants… Réforme du stationnement et communication : le rendez-vous manqué ? Corinne Béné Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 21 à 23 La teneur générale des messages dans la presse au sujet de la dépénalisation-décentralisation du stationnement payant se résume au tout « argent », interrogeant sur le rôle de la communication ou de son absence dans le traitement du sujet par les médias et sa perception par l’usager. Oui, la problématique éminemment technique du stationnement la rend difficile à appréhender et peu « vendeuse ». Oui, personne ne se réjouit à l’idée de payer un service et oui, un sujet qui fâche est toujours un bon moyen d’attirer lecteurs et téléspectateurs. Cependant, il n’y a pas de fatalité et l’attitude à adopter pour la gestion d’une crise potentielle est connue : il faut avant tout être proactif, prendre la parole et occuper le terrain pour éviter que vos détracteurs ne le fassent pour vous. Il est édifiant de constater combien ce principe est ignoré lorsqu’il s’agit du stationnement. En effet, la seule « communication » établie avec les automobilistes passe souvent par la simple mise à disposition de grilles tarifaires et on s’étonne ensuite que ces tarifs soient perçus comme une taxe… Or, son impact comme outil de régulation de la chaîne du déplacement et de la circulation, son rôle crucial dans le report modal et le partage de l’espace public plaideraient en faveur d’une vulgarisation et d’une pédagogie destinées à la rendre accessible au plus grand nombre. De plus, lorsqu’on les interroge, élus et techniciens du stationnement, groupes mobilisés et grand public, tous appellent de leurs vœux une communication sur le sujet… Le stationnement mutualisé en zone d’aménagement concerté Jean-Pierre Grisey Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 24 à 26 Le stationnement est resté longtemps le parent pauvre des politiques publiques qui ne cherchaient qu’à augmenter l’offre dans les secteurs les plus contraints à savoir les centres urbains. La régulation de l’offre privée ne faisait l’objet que de prescriptions réglementaires fixant un minimum de places dans les immeubles neufs, à cause d’une suroccupation de la voirie publique. Or il est vite apparu que ces politiques allaient à l’encontre du développement d’une mobilité durable, la mise à disposition d’une place de stationnement conditionnant pour une large part le choix d’usage de la voiture individuelle comme mode de transport. À cela s’ajoutaient l’utilisation anarchique des places sur voirie, le délabrement de certains parkings privés et la tendance à la densification des opérations d’aménagement. Ces facteurs ont alors conduit les collectivités à modifier radicalement leur rôle dans la génération de l’offre privée. Ainsi la mutualisation du stationnement est un outil mis en place sous maîtrise publique, et doit intervenir par anticipation à la programmation des opérations d’aménagement. En effet, une grande partie du parc de stationnement existant échappe totalement au contrôle des collectivités qui tentent malgré tout d’utiliser le stationnement comme levier d’action sur l’aménagement urbain et les déplacements. Les promoteurs immobiliers sont des acteurs essentiels dans cette mise en place et un travail de collaboration doit donc s’engager avec la collectivité, pour prendre en compte les facteurs de risque… Vers une approche systémique du stationnement dans la planification urbaine Olivier Asselin, Ellie Deloffre Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 27 à 31 Le stationnement est pensé depuis plusieurs décennies selon une logique normative, en instaurant des obligations sous forme de ratios (nombre de places à créer rapporté à la surface ou au nombre d’unités de logement) sur l’espace privé par le biais des plans locaux d’urbanisme. Cette approche à la parcelle et au projet ignore totalement les offres environnantes, notamment sur l’espace public, et ne peut traduire qu’imparfaitement une politique de limitation de l’usage de l’automobile individuelle. Cet article propose, à partir d’un bilan portant sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille, des pistes pour développer une approche plus englobante, traduisant une réelle politique de mobilité et intégrant la perspective du report sur l’espace public en cas de limitation des possibilités de stationnement sur les parcelles. 1Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Saint-Étienne (en Jarez) est une petite ville de montagne, dont l’urbanisation est organisée le long de la route de Lyon, sur un axe est-ouest. 2Avec la découverte de la houille et l’industrialisation du site qui s’est amplifiée, Saint-Étienne se développe sur un plan radicalement nouveau, conçu par l’architecte-voyer Pierre-Antoine Dalgabio (1792) et poursuivi par son neveu également prénommé Pierre-Antoine. Ce plan maillé, qui a été développé sur plus d’un siècle et qui cette fois, est organisé selon un axe Nord-Sud, dans le thalweg du Furan. Cet axe est matérialisé par la Grand-Rue, rectiligne sur près de six kilomètres de long mais dont la largeur au plus étroit ne dépasse pas 12 m. La ligne 4 du tramway emprunte la Grand-Rue depuis 1881, sans interruption, avec une évolution vers un site propre dans le centre-ville, autorisant de belles fréquences. L’ouverture de la branche vers la gare de Châteaucreux a provoqué une restructuration de l’offre tramway qui s’est traduite en 2010 par la création de trois missions distinctes numérotées T1 à T3, qui empruntent pour tout ou partie l’axe de la Grand-Rue. 3Les autres rues du centre-ville ont généralement des largeurs de 6 à 8 m, exceptionnellement de 11 m. Pour qui est étranger à la ville, l’ambiance est assez oppressante vu la hauteur des immeubles riverains (photo). figure im1 4C’est ce plan qui s’est adapté à l’automobile depuis la guerre, avec une exploitation généralisée en sens unique de circulation. Une particularité à mentionner, curieuse pour un plan maillé, est qu’il n’y a souvent qu’un itinéraire pour aller d’un point à un autre, l’orographie du site étant très marquée. 5La carte présentée ci-contre a été réalisée en 1996 dans le cadre d’un plan de déplacements du centre-ville de Saint-Étienne. Elle traduit l’occupation du site par : les immeubles (en gris d’autant plus foncé qu’il y a de niveaux) ; la voiture en mouvement et en stationnement (en bleu marine). On notera que la quasi-totalité des cours d’immeubles, anciennement réservées au remisage des voitures à cheval, ont été colonisées par la voiture ; et le piéton (en blanc). figure im2 6Il n’est pas besoin de grand discours pour commenter la carte mais on notera que le domaine du piéton est limité à une zone spécialement aménagée, à deux grandes places et à des trottoirs d’une largeur de 80 cm à 1 m, peu propices aux interactions, au lèche-vitrines, à la discussion et à la circulation des poussettes. 7Précisons qu’à l’époque déjà, le centre-ville de Saint-Étienne comprenait plusieurs ouvrages publics de stationnement, dont certains avaient du mal à être correctement remplis. 8Cette carte, qualitative, montre tout l’enjeu des politiques d’espaces publics de centre-ville mais aussi toute la difficulté de réserver à la voiture une place mesurée, comme de régler les enjeux locaux de stationnement. Si Saint-Étienne est certainement un exemple limite, des cartes réalisées dans d’autres centres-villes français révéleraient des réalités à peine différentes. Sommaire: lType de document | Site actuel | Cote | Statut | Notes | Date de retour prévue | Code à barres |
---|---|---|---|---|---|---|
Revue / Périodique |
Bibliothèque Centrale
|
18080081001 (Parcourir l'étagère) | Disponible | N° 134/2019 | 18080081001 |
Vincent Kaufmann et Jean-Marie Guidez, « Report modal de l’automobile vers les transports publics en milieu urbain. Résultats d’une recherche franco-suisse », Transports Urbains, n°92, 1998, p. 5-12.
[2]
Frédéric Héran, « Pourquoi tarifer le stationnement ? », Transport Environnement Circulation, n°218, 2013, p. 15-20.
Éditorial de la rédaction
Nouvelles mobilités : et si on réfléchissait avant de s’emballer ?
Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), page 1
Pas une semaine sans qu’on nous annonce un colloque, un séminaire ou une conférence portant sur l’avenir, forcément radieux, des « nouvelles mobilités ». Le concept est pourtant bien flou, au moins autant que les arguments avancés.......1
La terminologie est loin d’être fixée. Certains parlent d’« engins de déplacement personnels » (EDP) regroupant les trottinettes, rollers, monoroues, gyropodes et autres hoverboards. D’autres insistent sur les véhicules légers électriques unipersonnels (VLEU) qui se limitent aux EDP électriques. Avec les « nouveaux véhicules électriques individuels » (NVEI), d’autres encore ajoutent aux VLEU les vélos à assistance électrique (VAE) et les vélos électriques (speed pedelec, en fait des cyclomoteurs, limités à 45 km/h). En outre, tous ces véhicules seraient de préférence en libre-service et sans station. Dans les boutiques, des centaines de marques commerciales se bousculent et les enquêtes de marché prédisent invariablement des ventes exponentielles. Mais s’agit-il d’un effet de mode ou d’un phénomène durable ?.......................................2
Le monde des transports a toujours connu des périodes d’engouement pour des innovations censées révolutionner la mobilité. Les années 1960-1970 ont vu ainsi toutes sortes de solutions apparaître, soutenues par des financements de l’État, et qui ont presque toutes échoué : Aramis, Aérotrain, Poma 2000, Télérail, Urba… C’est que pour parvenir à un succès durable, tout nouveau mode de transport est soumis à de dures réalités. Il doit être à la fois d’une grande fiabilité, très sûr, suffisamment pratique et confortable, respectueux de l’environne ment, économiquement viable et correspondre à une vraie demande. Une équation redoutable, très compliquée à résoudre.............................3
Prenons la trottinette électrique en libre-service et sans station, actuellement en vogue. Sur le plan technique, elle souffre, à l’évidence, de quelques défauts majeurs : malgré des vitesses de pointe de plus de 30 km/h, ses petites roues peuvent se coincer dans le moindre nid-de-poule, son freinage est peu efficace, l’empattement est bien faible et l’éclairage rudimentaire, ce qui la rend peu sûre. En conséquence, les accidents se multiplient et les urgences sont envahies par des usagers ayant le plus souvent chuté tout seuls. En outre, le confort est rudimentaire : position debout et manque de suspensions. La bicyclette de ville classique, éprouvée de longue date, n’a aucun de ces défauts.....................4
Sur le plan économique, ce n’est pas mieux. Le partage est une idée certes généreuse, mais qui induit trois types de coûts cachés : les « coûts du partage ». 1/ Les véhicules occupent un espace public qu’il faut créer, entretenir, nettoyer, éclairer et qui n’est donc pas gratuit. 2/ Ils doivent être surveillés, car tout objet laissé sur la voie publique est inévitablement soumis à des dégradations, liées au mésusage ou à la délinquance, ce qui a aussi un coût. 3/ Les véhicules entrainent des désordres sur les trottoirs, en provoquant une gêne et des risques pour les piétons, surtout les plus fragiles, mais aussi pour tous ceux qui interviennent sur ces espaces : gestionnaires de réseaux, services de secours…, avec des coûts d’enlèvement au besoin...................................................5
Résultat : les autorités municipales de Paris, Bordeaux, Toulouse, Bruxelles… en viennent à exiger légitimement des opérateurs une redevance d’occupation de l’espace public, le paiement de l’enlèvement des véhicules gênants et des emplacements particuliers pour les véhicules. Bref, le modèle économique de ces opérateurs est encore loin d’être assuré..........................................6
Les trottinettes électriques sont-elles condamnées pour autant ? Elles devraient trouver un créneau dans les grandes villes congestionnées, mais plutôt comme des véhicules personnels, utilisés surtout par un public agile, et en intermodalité avec les transports publics lourds.....................................................7
Quoi qu’il en soit, pour faire le tri dans toutes ces nouvelles mobilités, quelques efforts d’analyse s’imposent.
Est-il encore nécessaire de rappeler la dimension éminemment stratégique du stationnement dans les politiques de déplacements ? En agissant directement sur l’accessibilité à un lieu, le stationnement est indéniablement un moment clé du déplacement des véhicules particuliers et une condition sine qua non de leur performance, qui leur permet de tenir les promesses dont ils sont porteurs en termes de mobilité. Ce faisant, réguler le stationnement peut être aussi un excellent moyen de limiter l’usage de la voiture particulière et de redonner leur chance aux autres modes de déplacement. Chose rare, cette politique de régulation de l’usage de l’automobile peut être menée en distinguant le type d’utilisation de la voiture que l’on souhaite plus spécifiquement inciter ou dissuader. En effet, les mesures prises en matière de stationnement permettent de cibler certaines catégories de véhicules ou d’usagers et donc de manier la contrainte avec doigté, ce qui est souvent plus compliqué en matière de circulation...............................................8
Introduction : le stationnement, levier des politiques de mobilité et outil de reconquête des espaces publics
François de Fleurian, Frédéric Héran
Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 3 à 4
En 1996, Transports Urbains s’était fait l’écho d’une recherche mettant en évidence le lien entre disponibilité d’une place de stationnement gratuite au lieu de travail et usage de la voiture ..............1
Vincent Kaufmann et Jean-Marie Guidez, « Report modal de…. Depuis lors, notre revue, comme d’ailleurs les milieux professionnels français, ne s’était guère penchée sur les stratégies à mettre en œuvre.
Or, depuis longtemps déjà aux États-Unis (voir dans ce numéro la critique du livre de Todd Litman présentant les politiques de stationnement et leurs effets sur l’offre de places et la motorisation) et dans certaines villes européennes, des politiques globales de mobilité limitent le stationnement pour favoriser les modes alternatifs à l’automobile et reconquérir les espaces publics.............................2
Les cas de Zürich (voir l’article d’Erich Willi) et de Bâle (détaillé dans l’article d’Alain Groff) en sont d’excellents exemples. Dans ces agglomérations au relief marqué, denses en habitants et en emplois, l’offre de transport public est certes plus importante qu’en France, mais elle s’accompagne d’une politique de modération de la circulation, de relance des modes actifs et d’extension des espaces publics, favorisée par une grande maîtrise du stationnement. Appuyée sur une bonne connaissance de l’offre de stationnement, public comme privé, et de son fonctionnement, cette stratégie est exprimée publiquement et soumise régulièrement à l’épreuve des votations. Ainsi, pour Zürich, le principe négocié est d’économiser l’espace pour pouvoir l’utiliser à d’autres fins que du stationnement ; pas seulement sur les quelques places historiques de la ville, mais également dans les rues elles-mêmes..........................3.
Éléments de comparaison des politiques de stationnement à Bâle, à Zürich et en France*
Bâle Zürich France
Densité urbaine nette des agglomérations en habitants/km2 (Géopolis 2000) 3219 2612 2957 (Grenoble)
2260 (Nantes)
Part modale des TCU 29 %
(canton) 28 %
(canton) Inférieure à 17 %
(PTU*, en province)
Offre TCU en km/an/hab. 65
(canton) 57,2
(dont S-Bahn 15,6) (canton) 36,2
(PTU* des villes de plus de 300 000 hab, en 2015)
Nombre de places publiques de stationnement par habitant + emploi, en hypercentre 0,04 0,06 De 0,18 à Bordeaux à 0,38 à Brest (en 2012)
Taux de motorisation pour 1000 habitants (Eurostat 2011) 356 365 De 450 à 550 (villes importantes)
* Périmètre de transport urbain, appellation encore en vigueur l’année du relevé
En France aussi, il n’est plus possible de monter des politiques de stationnement ambitieuses sans les expliquer, pour éviter des rejets sur ce sujet ultrasensible (comme l’explique Corinne Béné). Même conclusion à tirer de la mise en place du stationnement payant dans un quartier de Lille (voir l’article de Jacques Richir)..........................4
Plus largement, les politiques de stationnement françaises sont aujourd’hui à la croisée des chemins (voir l’article d’Emmanuel Perrin). La distinction classique, héritée des années 1970, entre publics résidents, visiteurs et pendulaires commence à être réexaminée. Grâce aux nouvelles technologies, des places de stationnement gratuites ou faiblement tarifées peuvent être plus facilement proposées à certains publics (les handicapés, les artisans, les professionnels de santé, les petits rouleurs…). Les tarifs des résidents comme des visiteurs sont revus à la hausse dans les plus grandes villes, quand l’accès à des modes alternatifs existe, pour inciter carrément à la démotorisation. Des efforts sont accomplis pour que les tarifs sur la voie publique deviennent supérieurs à ceux des parkings en ouvrage. Mais le stationnement reste trop peu traité à l’échelle de l’agglomération, non sans effets pervers : incohérence des tarifs, report des véhicules dans les communes ou les zones gratuites et sans zone bleue…........................................5
À l’évidence, l’approche consistant à déterminer des normes plancher ou plafond pour les places de stationnement dans les immeubles neufs, selon divers critères (la proximité des transports publics, le type de véhicule, la nature des sols…) a atteint ses limites. Car des normes trop faibles ou trop exigeantes peuvent avoir des effets délétères sur la qualité de l’espace public, le cadre de vie, l’attractivité économique ou les coûts de construction. Sans doute faut-il désormais développer une approche adaptée à chaque projet et plus évolutive, en développant une conception systémique d’intégration du stationnement dans la planification urbaine (voir l’article d’Olivier Asselin et Ellie Deloffre)........................6
La mutualisation du stationnement, au niveau d’une opération d’urbanisme (voir l’article de Jean-Pierre Grisey) ou d’un quartier (à Zürich) en est un bon exemple. C’est un moyen efficace de limiter l’offre de stationnement au strict nécessaire, même si le montage juridique reste délicat et l’équilibre de gestion difficile. Des équipements publics fortement générateurs de déplacements comme les hôpitaux, les universités (l’université Erasmus à Rotterdam) ou les grandes administrations se penchent désormais sur les coûts induits par la mise à disposition de places de stationnement pour les salariés et les visiteurs, et cherchent des solutions moins dispendieuses.................................................7
Restent encore de nombreux aspects non abordés dans ce numéro. Et notamment le rôle clé joué par la tarification. Il ne s’agit pas seulement de réguler la demande, mais également de rappeler à l’automobiliste que l’espace public n’est pas gratuit et qu’il ne peut se l’approprier au détriment des autres usages et usagers de cet espace ..............................................................8
Frédéric Héran, « Pourquoi tarifer le stationnement ? »,…. De plus, quand les alternatives à l’autosolisme se développent, il n’est plus admissible d’offrir la gratuité du stationnement aux automobilistes, car c’est un avantage en nature supporté par la collectivité, y compris par ceux qui font l’effort de se déplacer à pied ou à vélo sans recevoir aucune subvention.
Enfin, il est encore trop tôt pour mesurer les impacts de la réforme de la dépénalisation et décentralisation du stationnement. Mais on sait déjà qu’elle assure un bien meilleur respect de la réglementation. En conséquence, les places sur voirie sont plus disponibles, la circulation liée à la recherche d’une place diminue, les voitures ventouses disparaissent. Les recettes en sont plutôt accrues, même si le FPS reste partout inférieur à l’amende pour défaut de titre de transport dans les transports publics. Encore faudrait-il que ces recettes n’abondent plus le budget général, mais soient pleinement considérées comme des ressources pour la politique de mobilité. Ce serait aussi un moyen de rendre le stationnement payant plus acceptable par la population........................................9
Comme on le voit, les politiques de déplacement et de stationnement ne sont pas indépendantes. Elles doivent être articulées de façon cohérente et discutées publiquement, en concertation avec les habitants et les milieux économiques. C’est dans ces conditions que l’envahissement automobile des espaces publics peut être maîtrisé tout comme les modes alternatifs encouragés, au service d’une ville plus durable...............................10
Transports urbains aura l’occasion de revenir régulièrement sur la question du stationnement, en mobilisant les résultats de la recherche et des politiques les plus démonstratives. Car le sujet est certes aride, mais les enjeux sont plus que jamais cruciaux......................................11
Pour réguler le stationnement, les leviers à disposition des collectivités semblent bien connus et n’ont, dans le fond, guère changé depuis que le stationnement payant a fait irruption dans les villes françaises à la fin des années 1960. Néanmoins, force est de constater que l’utilisation des outils disponibles en matière de stationnement se révèle encore rarement optimale. Pour permettre aux politiques de stationnement de gagner en efficacité et remédier à leurs insuffisances persistantes, trois gisements d’amélioration peuvent être identifiés : le perfectionnement des outils existants, en particulier pour la gestion du stationnement sur voirie ; une nécessaire recherche de cohérence entre les différents volets de la politique de stationnement ; des progrès en matière de suivi de cette politique et de connaissance de ces effets.
Historiquement, outre les réglementations interdisant ou autorisant le stationnement des différents modes de transport qui ont animé les villes depuis toujours, la régulation du stationnement automobile s’est d’abord opérée à travers la mise en place de mesures de limitation de la durée de stationnement autorisée sur voirie. Le développement de la zone bleue, à partir des années 1950 en France, est venu traduire cette nécessité de mieux partager l’usage des places offertes sur l’espace public en imposant une limitation de la durée de stationnement. Cette introduction dans la réglementation du principe de rotation est aussi un moyen de prioriser certains usagers, en l’occurrence les visiteurs qui viennent pour un achat, un loisir, une visite ou une démarche quelconque sur une courte durée…
Le stationnement à Bâle
À Bâle, aucune réglementation n’impose la construction d’un parking sur terrain privé, tandis que le stationnement sur voie publique est partout réglementé. La grande majorité des places se trouve en zone bleue, où les véhicules résidents munis d’un permis stationnent sans limite. Le gouvernement a décidé une hausse des prix importante début 2019. Une bonne partie des recettes alimente le Pendlerfonds, soit littéralement le « fonds pendulaire », un instrument de cofinancement très particulier. En fin de compte, une ville dense ne peut que soutenir les alternatives à la voiture privée, moins encombrantes et plus efficaces.
La politique du stationnement à Zurich
Page 32 à 33
La carte de… Le stationnement dans le centre-ville de Saint-Étienne
François de Fleurian
Erich Willi
Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 15 à 20
Avec ses 425 000 habitants et ses 460 000 emplois, Zurich est le centre d’une agglomération d’environ 1,5 million d’habitants. La ville devrait accueillir 80 000 habitants supplémentaires d’ici 2040, ainsi que de nombreux emplois.
Cette croissance s’est accompagnée d’une forte augmentation du trafic : les personnes se rendant chaque jour au centre sont passées de 100 000 dans les années 1970, à 230 000 aujourd’hui. En raison de la forte augmentation du déséquilibre entre la population résidente et la population active, chaque emploi déclenchait 0,3 mouvement pendulaire dans les années 1970, contre 0,6 aujourd’hui.
Bien que l’essentiel de l’augmentation des déplacements ait été rendu possible par les transports publics, environ un tiers de la population résidante vit dans des rues excessivement bruyantes. Outre le réseau routier primaire, de nombreuses voies municipales sont également soumises à des niveaux dépassant les valeurs limites fixées par l’ordonnance fédérale sur la réduction du bruit.
La réduction du bruit routier s’obtient de plus en plus par des limitations de vitesse. Mais malgré les atténuations obtenues, le bruit excessif concerne désormais une population qui s’accroît et dépasse 130 000 personnes, du fait de l’augmentation des densités. La réduction des nuisances sonores routières est devenue une préoccupation constante.
En raison de la densité du réseau viaire et à cause de l’importance des émissions du trafic routier motorisé, la ville de Zurich s’appuie depuis des décennies sur des transports publics performants…
Réforme du stationnement et communication : le rendez-vous manqué ?
Corinne Béné
Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 21 à 23
La teneur générale des messages dans la presse au sujet de la dépénalisation-décentralisation du stationnement payant se résume au tout « argent », interrogeant sur le rôle de la communication ou de son absence dans le traitement du sujet par les médias et sa perception par l’usager.
Oui, la problématique éminemment technique du stationnement la rend difficile à appréhender et peu « vendeuse ». Oui, personne ne se réjouit à l’idée de payer un service et oui, un sujet qui fâche est toujours un bon moyen d’attirer lecteurs et téléspectateurs. Cependant, il n’y a pas de fatalité et l’attitude à adopter pour la gestion d’une crise potentielle est connue : il faut avant tout être proactif, prendre la parole et occuper le terrain pour éviter que vos détracteurs ne le fassent pour vous. Il est édifiant de constater combien ce principe est ignoré lorsqu’il s’agit du stationnement. En effet, la seule « communication » établie avec les automobilistes passe souvent par la simple mise à disposition de grilles tarifaires et on s’étonne ensuite que ces tarifs soient perçus comme une taxe…
Or, son impact comme outil de régulation de la chaîne du déplacement et de la circulation, son rôle crucial dans le report modal et le partage de l’espace public plaideraient en faveur d’une vulgarisation et d’une pédagogie destinées à la rendre accessible au plus grand nombre.
De plus, lorsqu’on les interroge, élus et techniciens du stationnement, groupes mobilisés et grand public, tous appellent de leurs vœux une communication sur le sujet…
Le stationnement mutualisé en zone d’aménagement concerté
Jean-Pierre Grisey
Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 24 à 26
Le stationnement est resté longtemps le parent pauvre des politiques publiques qui ne cherchaient qu’à augmenter l’offre dans les secteurs les plus contraints à savoir les centres urbains. La régulation de l’offre privée ne faisait l’objet que de prescriptions réglementaires fixant un minimum de places dans les immeubles neufs, à cause d’une suroccupation de la voirie publique.
Or il est vite apparu que ces politiques allaient à l’encontre du développement d’une mobilité durable, la mise à disposition d’une place de stationnement conditionnant pour une large part le choix d’usage de la voiture individuelle comme mode de transport. À cela s’ajoutaient l’utilisation anarchique des places sur voirie, le délabrement de certains parkings privés et la tendance à la densification des opérations d’aménagement. Ces facteurs ont alors conduit les collectivités à modifier radicalement leur rôle dans la génération de l’offre privée.
Ainsi la mutualisation du stationnement est un outil mis en place sous maîtrise publique, et doit intervenir par anticipation à la programmation des opérations d’aménagement. En effet, une grande partie du parc de stationnement existant échappe totalement au contrôle des collectivités qui tentent malgré tout d’utiliser le stationnement comme levier d’action sur l’aménagement urbain et les déplacements. Les promoteurs immobiliers sont des acteurs essentiels dans cette mise en place et un travail de collaboration doit donc s’engager avec la collectivité, pour prendre en compte les facteurs de risque…
Vers une approche systémique du stationnement dans la planification urbaine
Olivier Asselin, Ellie Deloffre
Dans Transports urbains 2019/1 (N° 134), pages 27 à 31
Le stationnement est pensé depuis plusieurs décennies selon une logique normative, en instaurant des obligations sous forme de ratios (nombre de places à créer rapporté à la surface ou au nombre d’unités de logement) sur l’espace privé par le biais des plans locaux d’urbanisme. Cette approche à la parcelle et au projet ignore totalement les offres environnantes, notamment sur l’espace public, et ne peut traduire qu’imparfaitement une politique de limitation de l’usage de l’automobile individuelle. Cet article propose, à partir d’un bilan portant sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille, des pistes pour développer une approche plus englobante, traduisant une réelle politique de mobilité et intégrant la perspective du report sur l’espace public en cas de limitation des possibilités de stationnement sur les parcelles.
1Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Saint-Étienne (en Jarez) est une petite ville de montagne, dont l’urbanisation est organisée le long de la route de Lyon, sur un axe est-ouest.
2Avec la découverte de la houille et l’industrialisation du site qui s’est amplifiée, Saint-Étienne se développe sur un plan radicalement nouveau, conçu par l’architecte-voyer Pierre-Antoine Dalgabio (1792) et poursuivi par son neveu également prénommé Pierre-Antoine. Ce plan maillé, qui a été développé sur plus d’un siècle et qui cette fois, est organisé selon un axe Nord-Sud, dans le thalweg du Furan. Cet axe est matérialisé par la Grand-Rue, rectiligne sur près de six kilomètres de long mais dont la largeur au plus étroit ne dépasse pas 12 m. La ligne 4 du tramway emprunte la Grand-Rue depuis 1881, sans interruption, avec une évolution vers un site propre dans le centre-ville, autorisant de belles fréquences. L’ouverture de la branche vers la gare de Châteaucreux a provoqué une restructuration de l’offre tramway qui s’est traduite en 2010 par la création de trois missions distinctes numérotées T1 à T3, qui empruntent pour tout ou partie l’axe de la Grand-Rue.
3Les autres rues du centre-ville ont généralement des largeurs de 6 à 8 m, exceptionnellement de 11 m. Pour qui est étranger à la ville, l’ambiance est assez oppressante vu la hauteur des immeubles riverains (photo).
figure im1
4C’est ce plan qui s’est adapté à l’automobile depuis la guerre, avec une exploitation généralisée en sens unique de circulation. Une particularité à mentionner, curieuse pour un plan maillé, est qu’il n’y a souvent qu’un itinéraire pour aller d’un point à un autre, l’orographie du site étant très marquée.
5La carte présentée ci-contre a été réalisée en 1996 dans le cadre d’un plan de déplacements du centre-ville de Saint-Étienne. Elle traduit l’occupation du site par :
les immeubles (en gris d’autant plus foncé qu’il y a de niveaux) ;
la voiture en mouvement et en stationnement (en bleu marine). On notera que la quasi-totalité des cours d’immeubles, anciennement réservées au remisage des voitures à cheval, ont été colonisées par la voiture ;
et le piéton (en blanc).
figure im2
6Il n’est pas besoin de grand discours pour commenter la carte mais on notera que le domaine du piéton est limité à une zone spécialement aménagée, à deux grandes places et à des trottoirs d’une largeur de 80 cm à 1 m, peu propices aux interactions, au lèche-vitrines, à la discussion et à la circulation des poussettes.
7Précisons qu’à l’époque déjà, le centre-ville de Saint-Étienne comprenait plusieurs ouvrages publics de stationnement, dont certains avaient du mal à être correctement remplis.
8Cette carte, qualitative, montre tout l’enjeu des politiques d’espaces publics de centre-ville mais aussi toute la difficulté de réserver à la voiture une place mesurée, comme de régler les enjeux locaux de stationnement. Si Saint-Étienne est certainement un exemple limite, des cartes réalisées dans d’autres centres-villes français révéleraient des réalités à peine différentes.
l